VOLVER

Anacarde et coton, parmi les piliers économiques ivoiriennes

Le Conseil du coton et de l’anacarde de Côte d’Ivoire cherche à attirer les investissements étrangers dans un marché plein d’opportunités.

L’anacarde, il n’y a pas longtemps était un fruit méconnu en Espagne et s’est converti en mine d’or : la plus convoitée des batailles que se livrent les  consommateurs chaque soir dans les bars autour des bols populaires de fruits secs.

Nous en consommons sans nous demander à peine ce que c’est où  son origine; sans savoir qu’ en moyenne ,  une anacarde sur quatre que nous avons dans nos bols vient de Côte d’Ivoire, premier producteur mondial de ce fruit tant apprécié.

L’anacarde, également appelé cajou (Anacardium occidentale), est arrivé par hasard dans ce pays d’Afrique de l’Ouest: il fut introduit depuis le nord-est brésilien, endroit qui marque son origine, comme moyen de lutte  contre la désertification de par ses propriétés  de croissance dans les climats arides et sur les sols relativement pauvres — comme ceux des zones de savane ou savane arborée du centre  et du nord de la Côte d’Ivoire. Ses propriétés servent de compléments alimentaires pour les communautés locales.

Bien qu’il soit cultivé et commercialisé depuis trente ans, ce fût qu’à partir de l’année 2013 que cette matière première commençait à prendre du muscle dans le pays, étant aujourd’hui le troisième produit le plus exporté, après le cacao et les dérivés du pétrole.

 

Côte d’Ivoire est premier producteur mondial de ce fruit tant apprécié

 

D’une manière schématique, l’économie ivoirienne, et surtout celle des communautés rurales, pivote autour de quatre cultures: le cacao et le café — pour le sud du pays, l’anacarde et le coton — pour le centre et le nord. Pour améliorer les conditions de vie des producteurs  et augmenter le rendement des autres maillons de la chaine de production — acheteurs, exportateurs et transformateurs — il existe en Côte d’Ivoire deux conseils régulateurs: le Conseil du coton – anacarde et le Conseil du café – cacao.

Comme nous l’explique M. Adama Coulibaly, Directeur Général du Conseil de l’anacarde et du coton: « avec la réforme du secteur entreprise en 2013 par l’actuel président Alassane Ouattara [au pouvoir depuis 2011], on a fait un pas de l’écologie à l’économie ; en 2013 la Côte d’Ivoire produisait 480 000 tonnes d’anacardes et en 2015 nous avons 715 000».

Quel est le secret de cette augmentation spectaculaire  de production? Adama Coulibaly n’a pas de doute: « La fixation d’un prix minimum, à partir duquel l’on laisse agir la force de l’offre et de la demande pour arriver au prix final qui se paie au producteur, a provoqué que le cajou soit considéré actuellement par les communautés locales comme une bonne manière de gagner sa vie ». Il ajoute : «  cette augmentation de la production n’est pas due à la création de nouvelles plantations, mais à la récolte des productions qui auparavant restaient dans les champs du fait du bas rendement et qui acquissent de la valeur de nos jours ». Pour M. Coulibaly, cette fixation des prix fonctionne pour l’anacarde mais n’est pas forcément la formule qui fonctionnerait pour le cacao « dans lequel fonctionne un système de prix flottant combiné à un fond de compensation avec lequel le producteur est indemnisé lorsque les prix internationaux sont trop bas ».

M. Adama Coulibaly, Directeur Général du Conseil de l’anacarde et du coton.

Le secteur à cependant un grand défi à relever: celui de la transformation du produit. Actuellement le pays possède une capacité de transformation d’1/7 de sa production. En plus, les unités de transformation ivoiriennes fonctionnent uniquement à 40%  de sa capacité; ce qui signifie que seulement 40 000 tonnes d’anacarde sont transformées en Côte d’ivoire sur les plus de 700 000 tonnes  produites dans le pays. « Le reste s’exporte en brute, spécialement en Asie, et arrive sur les tables européennes et américaines sans traçabilité: on a perdu le Made in Côte d’Ivoire », renchérit Coulibaly. Pour faire face à cette situation, le gouvernement a mis en place une politique pour attirer les investisseurs dans le but d’augmenter la capacité de transformer sur place les 30% de l’anacarde d’ici 2020. Exemptions de taxes à l’exportation, primes d’investissement, établissement de zones industrielles à Bouaké, Korhogo, Bondoukou et Séguéla ; tout est mis en place pour recevoir des investissements étrangers parmi lesquels, M. Coulibaly souligne le savoir faire espagnol par son expérience de pointe dans l’industrie agroalimentaire.

Mais le cajou n’est pas seulement précieux pour sa noix. Comme cela s’est démontré au cours de la dernière édition du SIETTA (Salon international des équipements et des technologies de transformation de l’anacarde), qui a lieu à Abidjan, le fruit peut s’utiliser pour en faire du jus, de la pâtisserie, des aliments pour les animaux, de la biomasse, des produits cosmétiques et même du bioplastique. En plus un sous-produit de sa coquille, le CNSL (Cashew Nut Shell Liquid) est utilisé en aéronautique comme liquide de frein pour les avions. Avec un oeil sur la prochaine édition du SIETTA 2018, Adama Coulibaly entrevoit présenter toutes les possibilités qu’offre le cajou pour attirer les investisseurs en Côte d’Ivoire et transformer cette rencontre en une référence mondiale d’innovation agroalimentaire.

Le coton (Gossypium sp.) est le bien qui accompagne l’anacarde dans la gestion du Conseil. Le secteur ne connaît pas le même essor que le cajou, avec une baisse de la production en 2016/2017 qui a engendré une récolte de 321 000 tonnes de coton brut, après les résultats record de la campagne 2014/15 (450 000 tonnes). Cette baisse dans la production cotonnière a relégué la Côte d’Ivoire à la quatrième place après le Burkina Faso (683 000 tonnes) le Mali (645 000), et le Bénin (380 000 tonnes). Adama Coulibaly se montre cependant très optimiste dans l’évaluation du secteur: « Bientôt la réforme de 2016, qui réordonne le marché et protège l’agriculteur rendent difficile les mauvaises pratiques, commencera à porter leurs fruits et nous allons récupérer du muscle dans la production».

 

Le plus grand défi pour le secteur du coton, similaire à celui de l’anacarde, et donc le manque de capacité de transformation

 

Le plus grand défi, similaire à celui de l’anacarde, et donc le manque de capacité de transformation. La séparation de la fibre et de la graine se fait dans le pays. La graine reste et se transforme en huile, en savon, en produits de pâtisserie et en aliments pour animaux en son quasi totalité en Côte d’ Ivoire. Mais la fibre va loin du pays, exportée en Asie dans des pays comme les Philippines, la Chine ou le Vietnam, dans des centres de confection. Seulement 20 000 des 130 à 150 000 tonnes de coton extraites dans le pays sont transformées en Côte d’Ivoire, représentant une opportunité perdue pour un pays qui tente d’attirer l’investissement pour ajouter de la valeur à la chaîne de production nationale.

En vue d’attirer l’attention de la communauté d’investisseurs internationaux sur ces opportunités dans l’industrie transformatrice ivoirienne de l’anacarde et du coton, Adama Coulibaly possède deux outils principaux:

D’une part  l’organisation de foires et d’évènements internationaux car, en 2018, la Côte d’Ivoire va abriter, en plus du SIETTA 2018, la deuxième assemblée de l’Alliance Africaine pour l’anacarde (ACA) ou la 77e réunion du Comité consultatif international du coton (ICAC) — siégé à Washington D.C., aux Etats Unis, un évènement de le plus haut niveau qui atteindra plus de 500 acteurs du marché cotonnier des pays producteurs, transformateurs et consommateurs.

 

D’autre part, et pour le cas spécifique de l’anacarde, les pays producteurs de ce fruit ont à leur actif un nouvel instrument d’influence: le CICC — Conseil consultatif international de l’anacarde. C’est une organisation internationale créée en 2016 et qui veille au bon fonctionnement de ce marché global d’une importance vitale pour les pays producteurs, conçu dans un parallélisme de forme avec l’ICAC pour le coton et avec l’Organisation internationale du cacao (ICCO), ramenée en 2017 de Londres à Abidjan où se trouve son nouveau siège. Avec neuf États membres — le Sénégal, la Guinée Bissau, la République de Guinée, la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Togo et le Benin — et les portes ouvertes à des pays producteurs, transformateurs et consommateurs, cette organisation est appelée à dynamiser ce marché du future auquel nous devons rester attentifs.

 

Par Alejandro Dorado Nájera. @DoradoAlex